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Faut-il tutoyer ou vouvoyer EN ENTREPRISE ?

« On se dit tu ? »  On vous a forcément déjà posé cette question lors de votre prise de fonction dans une nouvelle entreprise. Proposé généralement par d’autres collègues pour faciliter les échanges et instaurer un climat plus décontracté, le tutoiement s’étend désormais envers sa hiérarchie. Et vous : pratiquez-vous le tutoiement en entreprise ? C’est une question que se posent beaucoup de candidats, déjà dans le cadre du processus de recrutement. Mais aussi des managers dans le quotidien de la gestion de leur équipe.

Dans cet article, nous faisons le point sur son usage en entreprise, et plus particulièrement envers les managers.

L’usage du tutoiement et du vouvoiement

Selon une étude de la revue « Sociologie du travail », 63% des français tutoient leur supérieur direct. C’est notamment le cas des cadres, salariés les plus enclins à tutoyer leur chef. À l’inverse, les employés, quant à eux, semblent plus frileux sur le tutoiement.

Lors d’un récent sondage sur LinkedIn, nous avons d’ailleurs posé la question à notre communauté, et en voici les résultats, encore plus tranchés :

Sondage tutoiement en entreprise

En effet, quand on rencontre quelqu’un pour la première fois, le choix du « tu » ou du « vous » fait partie des subtilités de la langue française. Le « tu » chercherait à installer la connivence quand le « vous » témoignerait d’une forme de respect et de « cadre ». Effectivement, cela s’explique par l’apprentissage de la politesse dans le système éducatif français, qui passe notamment par le bon usage du vouvoiement.

Il faut dire qu’en France, le tutoiement est ambigu. En effet notre langue connaît les deux modes de communication, qui sont associés à des contextes différents :

  • le tutoiement relève de la sphère privée,
  • le vouvoiement de la sphère publique.

Au-delà de cet écart, le tutoiement implique une proximité franche et déformalise, quand le vouvoiement distancie.

Tutoiement ou vouvoiement ?

Les modes de communication en entreprise

Que l’on soit adepte de l’une ou l’autre forme de communication, en général, lorsque qu’on débute dans une entreprise, le mieux est de tenir compte des us et coutumes de celle-ci. Dans le doute, on préfèrera utiliser le « vous » en attendant l’invitation éventuelle de passer au « tu ».

Concernant le comportement à tenir face à sa hiérarchie, il en est de même. C’est en effet le supérieur hiérarchique qui proposera ou non le tutoiement en fonction de l’image qu’il/elle souhaite donner ou de la proximité qu’il/elle souhaite avoir avec les autres collaborateurs.  

Une habitude dans les start-up

Tutoyer tout le monde, du patron au salarié, est une tendance venue des start-up. En effet, ces structures pratiquent pour la plupart de nouvelles formes de management, et une nouvelle culture d’entreprise plus ouverte. Cela leur permet notamment de s’adapter aux nouvelles générations qui intègrent l’entreprise. Car celles-ci aspirent à davantage de proximité avec la direction. Elles cherchent également une ambiance de travail plus décontractée et informelle que leurs ainés.

D’ailleurs, les jeunes pousses démocratisent cette pratique non seulement en interne, mais également avec leurs clients. Cette conduite tend à donner une image moderne et décontractée de la structure. Ainsi, la proximité, la transparence, la décontraction ou encore l’égalité sont les nouveaux piliers de l’image de marque des start-up et de leurs dirigeants.

De plus, les start-up ont amené une culture à l’américain, et en anglais le « you » retire la subtilité très française du « tu » et du « vous ».

Et ce fonctionnement venu des start-up a peu à peu gagné le monde de l’entreprise traditionnelle. Car le management actuel tend davantage vers la reconnaissance de l’individu, la déstructuration des cadres de travail et l’abolition des hiérarchies, dans le but de faciliter la synergie des idées.

Le tutoiement dans les startup

Les avantages du tutoiement

Se dire « tu », c’est un peu faire comme si tout le monde était à égalité dans un monde de l’entreprise où la hiérarchie reste prépondérante. Le tutoiement peut donc être une bonne manière de casser la distance, en instaurant plus de proximité entre les managers et leurs équipes, et en développant les relations humaines et non plus seulement professionnelles. 

Voici d’autres avantages au tutoiement en entreprise :

  • Donne une image dynamique de la structure
  • Renforce la cohésion d’équipe
  • Fait tomber les barrières entre générations
  • Fait reculer la distance hiérarchique
  • Améliore l’esprit d’équipe et la créativité
  • Crée un sentiment d’appartenance à l’individu au sein de la communauté
  • Fédère le groupe

Dans le monde professionnel actuel, les salariés sont de plus attentifs au développement de leur bien-être dans le cadre professionnel. Cela passe certes par le poste occupé, les avantages sociaux… mais également beaucoup par l’ambiance au sein de l’entreprise.

Et une organisation dans laquelle tout le monde se tutoie paraîtra naturellement plus ouverte, plus accessible et épanouissante qu’une autre qui exerce la distanciation sociale par le vouvoiement à tous les niveaux hiérarchiques.

Si l’on se tutoie plus aisément entre collègues, la question se pose habituellement pour le manager. En effet, il fait certes partie de l’équipe, mais se trouve à mi-chemin entre collaborateurs et Direction.

Tutoyer son Manager

La question du tutoiement ou vouvoiement avec la hiérarchie

Si le « tu » est devenu un mode de dialogue naturel entre les salariés, il est moins étendu envers son patron. Alors que le tutoiement permet de démocratiser la distance hiérarchique et de développer une relation humaine et plus seulement professionnelle, il ne fait pas partie des préférences de tous les dirigeants.

En effet, certains craignent que le tutoiement, souvent associé à de la familiarité, mette en péril leur autorité et fasse oublier leur position de supérieur hiérarchique. Il serait alors plus difficile de faire passer des instructions fermes ou d’aborder des sujets pas toujours agréables pour le salarié. Comme un refus de congés, d’augmentation de salaire, un travail mal effectué, un reproche de retard …

En général, le fonctionnement est propre à chaque entreprise ou même à chaque personne. Mais globalement, si tutoiement il y a, celui-ci sera proposé ou non par la hiérarchie et moins par le salarié. Mais si le « tu » est imposé d’en haut et institué comme une norme, cela peut également poser problème. Effectivement, ce mode de communication lie ainsi les deux personnes et peut créer un sentiment faussement amical. Encore une fois, tout est question d’équilibre à partir du moment où le « tu » est instauré. Au Manager de trouver le bon équilibre entre proximité et autorité.

Le tutoiement dans le recrutement

Vous voyez peut-être de plus en plus d’offres d’emploi où l’on tutoie directement les postulants. Ça fait jeune, dynamique, ça donne presque déjà l’impression d’être intégré dans l’entreprise.

Si cette pratique est de plus en plus courante, gare au tutoiement qui sonne faux ! Si vous tutoyez dès l’annonce, d’accord, mais il faut que le reste suive et que le « tu » soit bien intégré dans la culture de l’entreprise. Le but est d’assurer une cohérence entre l’annonce et la réalité de l’entreprise afin que le futur collaborateur ne se sente pas « trompé » en prenant ses fonctions.

Dans le cadre du processus de recrutement, là aussi, le tutoiement se développe. En effet, le développement des moyens de contact comme LinkedIn entre autres, mais aussi le floutage des barrières privées et professionnelles, peuvent donner lieu à des relations plus directes et beaucoup moins formelles qu’auparavant. Ils facilitent ainsi la prise de contact et l’évaluation et dans ce sens donnent plus “d’armes” que par le passé aux candidats.

Dans ce cadre, pour certains recruteurs, tutoyer directement un candidat leur permet de créer une proximité avec lui et d’instaurer un climat de confiance.

Lors d’un entretien de recrutement, cela peut permettre de dédramatiser l’entretien et de mettre à l’aise le candidat. Le rapport de force se trouve ainsi atténué. Dans ce cas, le choix du tutoiement n’incombe en général pas au candidat mais au recruteur.

Encore une fois, charge au recruteur qui met en place ce mode de communication de s’assurer que celui-ci est bien en phase avec les us et coutumes de son entreprise. Et ce, afin de ne pas créer de décalage entre l’impression donnée lors du recrutement et la réalité de la prise de poste.

Tutoiement dans le recrutement

L’usage du vouvoiement et du tutoiement selon les professions

Les start-up ont été citées comme inspiration du développement du tutoiement en entreprise. Dans certains secteurs d’activités, le « tu » est dans les mœurs depuis déjà longtemps. C’est le cas par exemple de :

  • La mode
  • La communication
  • Les médias

Attention à certaines professions qui pourraient faire penser que le tutoiement est de rigueur. C’est le cas par exemple du développement web. En effet, nombreuses sont les tentatives maladroites de la part de recruteurs en manque de candidats, qui pensaient ainsi « coller » dans leurs messages d’approche aux modes de vie et style informel de ce secteur.  Si on peut penser toucher la jeune génération en adoptant un langage particulièrement décontracté, la plupart des développeurs web aujourd’hui sont plutôt des professionnels dans la trentaine ou la quarantaine. Et ceux-ci pourraient ne pas apprécier cette considération désinvolte sur le marché du travail.

D’un autre côté, il y a des secteurs professionnels dans lesquels le vouvoiement est indispensable. C’est le cas notamment des administrations publiques. Effectivement, dans cet environnement, la frontière avec la hiérarchie est plus marquée que dans le secteur privé.

On retrouve également ce mode de communication dans les secteurs comme la santé, les banques, les assurances…

Vouvoiement dans les banques et assurances

Les facteurs dans l’usage du « vous » ou du « tu »

Dans l’usage du tutoiement, il y a trois facteurs qui entrent en compte :

  • L’âge : on a tendance à naturellement vouvoyer ses aînés.
  • Le genre : on se tutoie plus facilement entre hommes et entre femmes qu’entre homme et femme.
  • L’appartenance sociale : on dira « tu » plus naturellement à une personne qui se trouve dans les mêmes lignes hiérarchiques, ou catégorie CSP que nous.

Aujourd’hui, le tutoiement en entreprise serait majoritairement une pratique d’hommes, cadres du secteur privé. Seule une femme sur dix tutoierait son chef, contre sept hommes sur dix (source Sociologie du travail).

Ces pratiques vont encore évoluer dans les années à venir avec l’émergence de nouveaux métiers, qui tendent à s’interroger sur les rapports avec ses collaborateurs. Mais aussi sur la limite « patron/copain » et sur la frontière entre vie personnelle et vie privée. Alors, distance ou proximité ? Décontraction ou autoritarisme ? Secteur public ou privé ?

A chaque structure de trouver et d’imposer le meilleur mode de communication, tout en conservant une saine ambiance de travail.

Et vous, pour ou contre le tutoiement en entreprise ?

Par Claire PASQUAL

Claire PASQUAL est Chargée de Marketing & Digital et rédige de nombreux articles sur l'actualité RH ainsi que sur les expertises de PROEVOLUTION.