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Les difficultés de recrutement outre-rhin

Le monde du recrutement est en perpétuel changement. Nouveaux métiers, expansions, crises économiques, rien n’est jamais figé. Qu’en est-il du côté de nos voisins allemands ? Wiebke STELLFELD, consultante franco-allemande chez PROEVOLUTION, nous offre son regard et son expertise sur les difficultés de recrutement outre-rhin.

Un marché en tension

Premier point commun : le recrutement outre-rhin n’échappe pas au marché en tension dans lequel nous gravitons. Tout comme la France, l’Allemagne rencontre la même problématique principale : la pénurie des talents.

Les profils les plus recherchés sont les cadres et les profils spécialistes. Les domaines particulièrement concernés étant ceux du transport et de la logistique. Mais également les métiers du commerce, le secteur médical ainsi que celui de l’énergie, selon une étude de la Bundesagentur für Arbeit.

Nous avons évoqué récemment dans un de nos articles le phénomène de la Grande démission en France. L’Allemagne de son côté ne vit pas le même contexte. En tout cas pas dans tous les secteurs ni dans toutes les générations. En 2022, on a pu constater une hausse des démissions parmi les jeunes (jusqu’à 35 ans). C’est notamment le cas dans le secteur de l’IT et du médical, moins dans l’industrie « traditionnelle ». En effet, le pays connaît actuellement des tensions économiques, dues notamment à l’augmentation du prix du gaz. De ce fait, les candidats ont plutôt tendance à vouloir rester dans leur zone de confort et sont donc moins enclins à changer d’emploi. Côté entreprises, ce comportement implique donc une difficulté à attirer de nouveaux talents.

Marché de l'emploi en tension en Allemagne

Ancienne versus nouvelle génération allemande

Cependant, cette tendance concerne plutôt l’ancienne génération, plus frileuse à la perspective de quitter leur entreprise. En effet, c’est dans la culture allemande d’entretenir une vision davantage familiale de l’entreprise. De ce fait, lorsqu’un employé met le pied dans une entreprise, celle-ci fait généralement en sorte de le faire évoluer en interne au fil des années afin de le pérenniser. Les employeurs allemands sont très attachés à leurs employés. Ainsi, de manière générale on compte peu de turn-over dans les entreprises. Certains salariés sont fidèles à leur employeur depuis plus de 20 ans et ont un lien très étroit avec lui. C’est particulièrement le cas dans les entreprises familiales. Ce dernier adjectif est d’ailleurs souvent mis en avant dans les offres d’emploi, afin d’attirer et rassurer les candidats.

Du côté de la nouvelle génération, l’approche est différente. Effectivement, celle-ci est moins sensible au sentiment d’appartenance au sein d’un entreprise. De plus, cette génération a d’autres attentes concernant leur employeur. Aujourd’hui, ces profils attachent davantage d’importance au bien-être, à l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle et au sens de leur travail. Une similitude évidente avec la France, accentuée suite à la crise sanitaire. Les démissions en Allemagne proviennent donc majoritairement de ces candidats moins expérimentés.

Démissionner en allemagne

Lorsque nous évoquions la grande démission, nous expliquions que cela impliquait le fait de quitter son travail du jour en lendemain. Mais la démarche est-elle aussi aisée outre-rhin ?

S’il est plus facile de démissionner en Allemagne qu’en France, les délais de préavis sont eux, plus longs. En effet, un non-cadre devra compter généralement 3 mois de préavis avant de quitter son emploi. Les cadres de leur côté doivent parfois effectuer un préavis jusqu’à 6 mois. Dans ce cadre légal, un employé allemand qui souhaite quitter son emploi aura donc davantage tendance à le faire de manière réfléchie et anticipée.

Démissionner en Allemagne

Les postes les plus concernés par la pénurie en allemagne

Déjà bien avant la crise sanitaire, les profils experts dans le domaine de l’énergie étaient particulièrement prisés. Ils comprennent les candidats spécialisés dans la transition énergétique, les nouvelles technologies, l’énergie verte et l’énergie solaire.

Avec la crise énergétique actuelle outre-rhin, les recruteurs recherchent d’autant plus ces talents. Dans ce contexte particulièrement tendu, les entreprises allemandes spécialisés dans l’énergie se développent également dans d’autres pays. De ce fait, les candidats bilingues allemand/anglais ont encore plus d’opportunités à leur portée. Beaucoup peuvent être attirés par la perspective de partir à l’étranger s’ils savent qu’ils y trouveront de meilleures technologies et plus d’investissements.

L’attrait de l’étranger

Une difficulté supplémentaire pour nos voisins germaniques est, comme en Alsace, la proximité avec la Suisse. Les salaires y étant plus élevés, il est souvent difficile de s’aligner financièrement pour attirer un candidat ou retenir un salarié. L’Allemagne du sud est fortement impactée par les tensions sur le marché de recrutement. Dans cette région, on constate une forte pénurie d’ingénieurs, de techniciens et de profils dans l’informatique. Les experts dans ce domaine qui disposent des compétences techniques mais également linguistiques ont souvent l’opportunité d’exercer à l’étranger. Effectivement, certains pays proposent des avantages que l’Allemagne ne peut toujours offrir. Que ce soit en termes d’outils, d’avantages sociaux, ou de facilité de télétravail. Cela ajoute donc aux difficultés que l’Allemagne éprouve à attirer des talents.

Les opportunités de travail à l'étranger

La présence des salariés français dans les entreprises allemandes

Les entreprises allemandes éprouvent donc des difficultés à recruter. C’est pourquoi elles n’hésitent pas à s’ouvrir au recrutement de salariés français. Si les compétences et la maîtrise de la langue sont acquis, les employés pourront très bien exercer depuis Paris, Lyon ou Rennes ! En l’occurrence, l’Alsace fourmille de profils qui parlent allemand et disposent du background international nécessaire pour travailler outre-rhin. Et l’Allemagne a bien compris que pour réussir sur le marché, ceux-ci peuvent se révéler être de précieux atouts.

A savoir que le process de recrutement en Allemagne diffère de celui habituellement pratiqué en France. En effet, on retrouve outre-rhin une forte culture des pièces justificatives. Les candidats germaniques ont ainsi pour habitude de constituer un véritable dossier de candidature lorsqu’ils postulent à une offre. Celui-ci contient un CV long et détaillé pour être le plus fidèle possible à l’expérience professionnelle du candidat. Il comprend également des prises de références d’anciens employeurs, les diplômes obtenus ainsi que les certificats des formations validées.

Le seul élément qui fait figure d’absent est la fiche de salaire. Effectivement, le sujet est particulièrement tabou en Allemagne. De plus, ces documents contiennent davantage d’informations – dont certaines plus personnelles – qu’en France.

Les entreprises allemandes doivent également être plus attentives à écourter leur processus de recrutement, comprenant plusieurs étapes, au risque de perdre des candidats déjà très sollicités.

La présence des salariés français dans les entreprises allemandes

Les critères d’attractivité des entreprises en allemagne

Tout comme en France, le salaire n’est plus le seul élément déterminant dans la décision de rejoindre une nouvelle entreprise. En Allemagne, la semaine de travail type est de 40 heures. De ce fait, la qualité de vie au travail est un critère très important pour les salariés. De plus, avec un temps de travail beaucoup plus important, la semaine de 4 jours est actuellement en discussion. Celle-ci permettrait ainsi de rendre les collaborateurs plus efficients et leur travail plus qualitatif. Ce nouveau mode de fonctionnement serait également le moyen de rendre plus rares les réunions ou du moins de les rendre plus efficaces. Cela permettrait également de nouvelles embauches pour combler les jours non travaillés.

Ce critère pourrait donc être déterminant pour certains candidats. Autres avantages recherchés : les possibilités de télétravail et la souplesse des horaires, tout comme en France. Plus rare chez nous, un des éléments sur lequel les allemands portent une attention toute particulière : le type de véhicule de fonction.

Et oui, il s’agit là d’un critère particulièrement important pour les postes itinérants comme les commerciaux. La plupart du temps, ceux-ci demandent un véhicule de préférence de marque allemande, et pas trop petite pour conserver un bon niveau de confort. Pourquoi est-ce si important ? Parce qu’un véhicule de bonne facture fait partie des atouts qui permettent d’impressionner son client et de faire bonne figure.

La vision de PROEVOLUTION sur le marché du recrutement outre-rhin

Employons des seniors!

Nous vous partageons le témoignage de notre consultante franco-allemande :  » L’Allemagne connaît une véritable pénurie de talents depuis ces deux dernières années. Alors que les employeurs français ont plus d’hésitation à embaucher des seniors, les entreprises allemandes elles, franchissent plus volontiers le pas. En effet, ces profils auront moins de chance de quitter leur employeur au bout de 2 ou 3 ans pour une nouvelle opportunité, en plus d’avoir davantage d’expérience. On devrait vraiment avoir plus d’ouverture à ce niveau en France ! Et pas uniquement pour le Management de Transition.

Du côté des nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail, on constate qu’elles sont plus internationalisées. Elles ont grandi dans un contexte de globalisation. Clairement aujourd’hui les attentes et les états d’esprit ne sont pas les mêmes entre la jeune génération et les seniors. »

L'Allemagne embauche davantage de seniors

La fidélité envers l’entreprise

« Une valeur très importante en Allemagne est l’attachement et la fidélité envers l’employeur. Les entreprises allemandes ont pour volonté de faire évoluer au maximum leurs salariés. Les employés déjà en place ont plus d’opportunités de changer de poste en interne, quitte à créer de nouveaux postes juste pour eux. C’est un peu comme une récompense pour les salariés qui ont de l’ancienneté, une manière de leur dire que leur travail et leur fidélité payent. De plus, le modèle hiérarchique est différent outre-rhin. Il est souvent plus facile d’échanger avec son supérieur. De ce fait, les employés ont le sentiment d’être écoutés et compris. Cela renforce le sentiment d’appartenance envers l’entreprise ».

Le critère familial

« Pour terminer, il y a quelque chose qui est très important en Allemagne, c’est le côté familial d’une entreprise. D’ailleurs c’est souvent un adjectif qui est mis en avant dans les offres d’emploi ou dans la description des entreprises sur internet. Parce que c’est un élément qui donne un vrai sentiment de sécurité auprès des candidats. Une entreprise dite familiale inspirera une ambiance bienveillante et chaleureuse. Par ricochet, cela donnera envie de progresser et d’évoluer ensemble dans la même direction, pendant plusieurs années. Ce qui sont justement les valeurs qu’on retrouve dans les entreprises traditionnelles en Allemagne. »

Wiebke STELLFELD, consultante franco-allemande chez PROEVOLUTION
Wiebke STELLFELD, Consultante franco-allemande chez PROEVOLUTION

Par Claire PASQUAL

Claire PASQUAL est Chargée de Marketing & Digital et rédige de nombreux articles sur l'actualité RH ainsi que sur les expertises de PROEVOLUTION.